"Idiotismus Tectosagicus latissime patet ; ejus duae sunt summae differentiae : altera continetur in vetere Aquitania Caesaris, hoc est intra Garumnam, Pyrenaeos, et Oceanum Aquitanicum. Hic idiotismus proprie dicitur Vasconismus, multam a reliqua parte idiotismi Tectosagici discrepans, adeo ut neque commercium quotidianum, neque vicinitas, neque flumina pontibus juncta illam differentiam tollere potuerint. Reliquae partis, quae citra Garumnam in usu est, etiam multae sunt differentiae, in quibus Lemovicismus et Petrocorismus a reliquis idiomatibus valde alienus est. Denique in tota Europa non invenies, in tantis angustiis finium, tot discrepantias dialectorum."
"La langue tectosage est une langue bien répandue ; on en connaît deux variétés fort dissemblables : l'une se parle à l'intérieur des limites de l'ancienne Aquitaine de César - Garonne, Pyrénées, Golfe de Gascogne. L'idiome que l'on parle là - ou gascon - diffère considérablement de l'autre variété de l'idiome tectosage. Bien plus, ni les contacts quotidiens, ni les relations de voisinage, ni les ponts qu'on jette sur les fleuves ne paraissent susceptibles de supprimer cette différence. Dans l'usage des régions situées de l'autre côté de la Garonne, il existe aussi bien des variétés ; le limousin et le périgourdin y diffèrent fort du reste. Bref, nulle part en Europe, on ne trouverait une aussi grande différenciation dialectale sur un territoire aussi restreint."
Scaliger (1540-1609) in Diatriba de hodiernis francorum linguis
Que dire brièvement ?
- Scaliger nomme ce que nous appelons "occitan" "idiome tectosage", ce faisant il poursuit l'identification entre Languedoc et ancienne cité des Volques, continuité bien réelle au demeurant.
- Scaliger affirme l'irréductible distinction du gascon, à peu près à la même époque que Pey de Garros (cf "Tout était là au XVIème siècle"). Il délimite lui aussi sentimentalement ce pays où se parle le "vasconismus", à savoir le gascon.
- Scaliger affirme que le limousin et le périgourdin (ce que l'on appelle le nord-occitan au fond) sont également fort distincts.
- Scaliger possède l'intuition qu'en Gaule méridionale, une formidable mosaïque de langues existe, sans équivalent en Europe. A mon avis, c'est une exagération car s'il est vrai que l'étendue des domaines castillan ou oïlique est impressionnante (mais cela est la cause du terrain et de la poussée formidable d'un pouvoir central), la variation en Italie est grande.
Source : "Joseph-Juste Scaliger : Diatriba de hodiernis francorum linguis" par C.Anatole et J.C.Dinguirard in Via Domitia XX-XXI (1978).
Cité in "Does a common language mean a shared allegiance? Language, identity, geography and
their links with polities. The cases of Gascony and Brittany" par G.Pépin.