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Le terme "guélhou" en gascon

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 Mise à jour d'un article de 2010
 
Je tire de ma grand-mère l'expression suivante, employée à propos d'une chatte en chaleur.

/ke kourr louzz 'guèlyouss/

"guèlyous" nettement accentué sur l'initiale, presque comme en lévitation : la syllabe initiale est prononcée 2 secondes, on attend assez peu la syllabe finale au singulier (au début j'avais compris "lou guèy").

Je trouve dans le dictionnaire de Vincent Foix :

guélhou=espèce de coq

Après demande, c'est effectivement le sens initial. L'expression, employée à propos de la chatte en chaleur (décédée depuis ...) se dit donc des femmes légères qui courent les "guèlyous", les coqs.

Pour ma part, j'entends e ouvert à l'initiale et non e fermé comme l'indique Vincent Foix, qui aura pu relever le mot dans une aire de gascon noir, où la transformation è > é est standard.

En écriture alibertine, on a donc guelho/guèlho. Quid de l'étymologie ? C'est compliqué.

On pourrait envisager un processus très gascon de transformation des étymons latins via la perte de la syllabe finale du latin gallicu, accentué sur l'initiale (comme cassanu donne càssou accentué sur l'initiale) mais les formes "galh", héritière de gallicu, sont déjà attestées dans les parlers gascons.

Ma théorie est donc que ce pourrait être un emprunt à l'espagnol* : en effet, en gascon, les emprunts à l'espagnol conservent toujours leur accentuation, la finale atone -o étant alors toujours interprétée -ou.

Le mot espagnol en question est évidemment "gallo". On sait que les Aragonais et les Navarrais fréquentaient jusqu'à la moitié du XIXème siècle tous les grands marchés sud-gascons : Arzacq, Tarbes, Vic, ... On peut imaginer également que les populations pyrénéennes importaient leurs coqs en Espagne.


* : Les emprunts à l'espagnol n'ont rien de rare. En effet, ma grand-mère utilise "macho" en concurrence avec marro pour désigner le bélier reproducteur. La prononciation est fluctuante, entre /'majou/ et /'mashou/. Mais comme on trouve chez Rohlfs màtchou, emprunté à l'espagnol macho, pour "mulet", je pense dès lors qu'il s'agit du même mot.

Revenons au coq : quels sont les vocables pour désigner le coq ailleurs en Gascogne ? L'Atlas linguistique de la Gascogne nous donne la réponse (j'ai utilisé la graphie alibertine qui a l'avantage d'être englobante).
 

 

- Béarn-Landes-Bayonne-Buch-Armagnac noir-Bazadais landais :

lo/eth hasan (que) canta

NB : Albret (47) : lo hajan canta

- Bigorre-Comminges-Gers (sauf Armagnac noir)-Lomagne-Gascogne toulousaine :

lo/eth poth (que) canta

NB : Bigorre montagnarde : eth poret que canta

Notons l'existence à Aulus en Couserans d'une forme étrange "por", qui s'explique par le voisinage du fuxéen "polh"*. En effet, la forme polh fuxéenne déborde sur le Couserans (qui ne connait ailleurs que poth), dans une zone qui ne vocalise plus (le Massatois). Cette forme "polh" étant sentie comme étrangère, un masculin a été refait sur le féminin "pora" : "por".

En fait, en Vicdessos, -ll final donne l interdental. Il n'est pas possible de graphier ce son. "polh" est la forme de Foix.


 

- Gironde et pays septentrionaux :

Médoc/Haut-EDM-Bazadais garonnais : lo beguèir canta
Bordeaux/Bas-EDM/Libournais : lo biguèir canta
Confluent Lot-Garonne (47) : lo biguèr canta

Remarque : /jo/ en Petite Gavacherie, qui est jho en saitongeais gabay avec aspiration
Pénétration d'une forme jau aux abords du Marmandais en provenance de Seyches (dont on sait que c'est là que débute le "pré-limousin" à savoir le guyennais).

Face à la forme /dzaw/ du côté d'Eglisottes et Chalaure (Gironde limousinophone) existe une forme /gaw/ unique et localisée à Puynormand (33), forme fascinante illustrant le syncrétisme du mini-dialecte de ce village, aux confluences de 4 grandes zones linguistiques : poitevin-saintongeais, gascon, limousin, guyennais.

Dans tous les cas, on remarque que :

- Les formes tirées du latin gallu sont rares en vrai gascon, à l'exception de guèlhou qui pourrait être un emprunt à l'espagnol, et de la forme savante inusité galh.

- La Gascogne de l'Ouest (Béarn inclus) préfère les dérivés du latin phasianu (=faisan) ou de vicariu.

- La Gascogne de l'Est préfère les dérivés du latin pullu.


Pour finir, une définition plaisante par ma grand-mère de "guèlho" au sens figuré :




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